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Le kidnapping est devenu un vrai business

Tristan Delamotte, Correspondant À Mexico | 30 janvier 2013, 12h00 | MAJ : 31 juillet 2017, 14h54

En trente ans, le kidnapping est devenu un vrai business, entretenu par les narcotrafiquants et les policiers corrompus. Après la libération de Florence Cassez, retour sur un phénomène inquiétant.

Après sept ans passés en prison, Florence Cassez a quitté le pays des enlèvements : le Mexique, qui se place, selon le rapport Risk Map 2013 de la société Control Risks, au deuxième rang mondial des kidnappings, derrière le Nigeria.

Un pays où le Conseil pour la loi et les droits de l’homme a dénombré 72 rapts par jour l’année dernière, contre 51 en 2011.
Plus grave encore, cette association avance aussi que des policiers sont impliqués dans 70 à 80 % des cas.

Cibles privilégiées, les étrangers aisés se retranchent dans des lotissements avec barrière de sécurité et gardiens. Leurs employeurs ont en effet instauré des règles strictes pour les expatriés.

« Il s’agit surtout d’être prudent et discret », explique un cadre d’une grande entreprise française qui préfère garder l’anonymat.

A son arrivée à Mexico, il a emménagé dans l’un des deux quartiers recommandés par la société de sécurité privée à laquelle son employeur fait appel.

« Mon logement a dû être validé : hauteur et épaisseur des murs, barbelés… », précise-t-il, ainsi que le voisinage.

Sa femme de ménage a fait l’objet d’une enquête. Et tout déplacement, avec chauffeur, doit être soumis à approbation. Une contrainte qui devient vite une habitude. « Je ne me sens pas enchaîné », affirme-t-il.

Pas plus effrayée que lui, Anne-Clotilde Leledy, une autre expatriée française de 24 ans a cependant acquis des réflexes : elle note systématiquement l’immatriculation des taxis dans lesquels elle monte et l’envoie à son petit ami. Et à bord d’une voiture, elle active toujours le verrouillage des portières.

Un fléau depuis les années 1980
Comment en est-on arrivé à cette situation où se faire enlever est aussi banal que de rater un bus ? Pour Max Morales, un avocat spécialisé dans ces affaires, tout a commencé il y a une trentaine d’années, avec un certain Modesto Vivas Urzúa, dit « la Vipère » qui officiait dans l’Etat du Morelos, au centre du pays.

Au Mexique, on compte en moyenne 72 kidnappings par jour en 2012, contre 51 en 2011.
[Jose Pasos / AFP]

« C’est lui qui a créé l’industrie du kidnapping, raconte l’expert. Il s’attaquait à de riches Mexicains en villégiature. Le lundi, il les enlevait. Du mardi au vendredi, il négociait une rançon, qu’il touchait le samedi, pour libérer son otage le dimanche. Et il recommençait le lundi suivant. »

Autre kidnappeur historique, Daniel Arizmendi López s’est quant à lui rendu célèbre en coupant les oreilles de ses victimes. « Il aurait accumulé environ 40 millions de dollars de rançons », estime Max Morales.

Par la suite, les fortunes amassées par ces figures du crime ont aiguisé l’appétit de tous les malfrats du pays.

A commencer par les narcotrafiquants en mal de reconversion depuis que l’ancien président Felipe Calderón a déclaré la guerre aux cartels de la drogue en 2006.

Mais ils ne sont plus les seuls. « Avant, les ravisseurs étaient des pros. Aujourd’hui, ce sont des délinquants ordinaires, voire des policiers, explique le consultant en sécurité Pablo Carstens. Tout le monde est une proie potentielle. J’ai négocié des rançons de 1 million d’euros, mais aussi de 1 500 euros. »

« Ils m’ont mis dans le coffre, ne m’appelle pas »
Le pire reste que pour un enlèvement recensé, entre cinq et dix restent ignorés, selon les associations de lutte contre le kidnapping.

Pour preuve, le cas d’Arturo Román Garcia et de son frère Axel, disparus depuis 2010. Arturo, 38 ans, tenait une boutique d’accessoires de skateboard à Mexico.

Le 27 août de cette année-là, il se rend au Texas avec son frère, pour acheter sa marchandise. Au retour, vers 20 heures, ils s’arrêtent dans un restaurant. Arturo appelle sa petite amie.

Quarante minutes plus tard, son frère de 23 ans envoie un SMS à un copain : « On vient d’être enlevés à San Fernando, ne fais rien, s’il arrive quelque chose, préviens seulement mes parents. Merci, je vous aime, ils m’ont mis dans le coffre, ne m’appelle pas. »

Depuis, pas de nouvelles. Aucune enquête n’a été menée. « Un policier a extorqué de l’argent à mes parents en leur faisant croire qu’il savait où se trouvaient mes frères, raconte leur sœur Vanessa. C’est très dur, car on n’est pas sûrs qu’ils soient morts, il y a toujours un espoir. »

Trente mois plus tard, l’attente continue pour les proches d’Arturo Román Garcia, comme pour les milliers d’autres familles victimes de rapts.

source : http://www.leparisien.fr/magazine/grand-angle/enlevements-la-hantise-du-mexique-30-01-2013-2525245.php

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